En tant que syndics autorisés en insolvabilité, nous accompagnons souvent des entreprises en difficulté financière. Lorsque les dettes s’accumulent et que les perspectives d’avenir deviennent incertaines, vendre l’entreprise peut être la meilleure option pour minimiser les pertes, continuer les opérations et protéger les emplois.
Toutes les parties prenantes peuvent ressortir gagnantes d’une vente d’une compagnie insolvable ou en faillite : créanciers, investisseurs, administrateurs, acheteurs, fournisseurs, clients et employés.
Comprendre la situation financière
La première étape consiste à évaluer clairement la situation financière de l’entreprise. Il est essentiel de comprendre les raisons des difficultés, qu’il s’agisse de la perte de clients importants, de l’augmentation des coûts ou d’une mauvaise gestion financière. Cette évaluation permet de déterminer la meilleure stratégie pour redresser l’entreprise ou la vendre.
Il est courant de voir des entreprises avec un potentiel de rentabilité, mais qui sont étouffées par le poids de leurs dettes et des paiements d’intérêts. Par exemple, des investissements mal avisés, des baisses temporaires de revenus ou une accumulation de dettes fiscales peuvent mettre l’entreprise dans une position où, sans le fardeau de ces dettes, elle pourrait être viable.
La protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité
Lorsque les dettes deviennent ingérables, placer l’entreprise sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité peut offrir un répit. Cette protection suspend temporairement les poursuites des créanciers, permettant ainsi à l’entreprise de respirer et de se concentrer sur une stratégie de redressement. Cela inclut le gel des dettes et la réduction de la pression exercée par les créanciers.
Déclarer faillite n’est pas la seule option pour obtenir une protection contre les créanciers. Souvent, la solution privilégiée est de déposer un “avis d’intention de faire une proposition”. Ce processus offre à l’entreprise un délai de 30 jours à 6 mois pour présenter une proposition à ses créanciers ou décider de déclarer faillite.
La recherche d’investisseurs
Si l’entreprise peut attirer des investisseurs, ces derniers peuvent injecter des fonds pour financer un règlement avec les créanciers et soutenir les opérations futures. Si cette option n’est possible, la vente des actifs de l’entreprise devient alors la meilleure solution.
Les types d’actifs pouvant être vendus
Lorsqu’il s’agit de vendre les actifs d’une entreprise, certains types d’actifs sont plus évidents que d’autres. En principe, presque tous les actifs d’une entreprise peuvent être vendus, sous réserve des lois en vigueur et des clauses contractuelles.
- Actifs tangibles :
- Immobilisations corporelles : biens immobiliers, terrains, bâtiments, machines, équipements, véhicules, mobilier.
- Stocks : matières premières, produits en cours de fabrication, produits finis.
- Actifs intangibles :
- Contrats : contrats clients, fournisseurs, baux. (sous réserve des clauses de transfert ou de cession)
- Licences et permis : quotas, droits, etc. (sous réserve d’approbation des autorités compétentes)
- Propriété intellectuelle : brevets, marques, droits d’auteur, logiciels, secrets commerciaux.
- Fonds de commerce : valeur de la clientèle, achalandage, emplacement commercial.
- Actifs financiers :
- Investissements : actions, obligations, titres de participation dans d’autres entreprises.
- Créances : comptes clients, prêts consentis par l’entreprise.
Qu’en est-il des contrats d’emploi? Au Québec, il n’est pas possible de “vendre” un contrat d’emploi, mais il est possible de le transférer sous réserve de l’approbation de l’employé et du respect de la Loi sur les normes du travail. De plus, l’acheteur peut, sous certaines conditions, offrir de nouveaux contrats de travail aux employés, notamment si ces contrats avaient pris fin au moment de la faillite de l’entreprise.
Le processus de vente
- Préparation du prospectus : la première étape consiste à préparer un document détaillé présentant l’entreprise et les informations clés pouvant permettre aux acheteurs potentiels d’établir la valeur. La transparence est cruciale pour susciter l’intérêt des acheteurs potentiels.
- Approche des acheteurs potentiels : à cette étape, le prospectus est partagé auprès d’une liste de clients potentiels pouvant inclure : les concurrents, les fournisseurs et les clients de l’entreprise. Les concurrents peuvent voir une opportunité d’expansion, tandis que les fournisseurs et clients peuvent envisager une intégration verticale de leurs opérations.
- Appel d’offres et enchère : l’objectif est d’obtenir le meilleur prix possible pour l’entreprise tout en évitant toute décision qui pourrait aggraver sa situation financière. La transaction peut être sujette à l’approbation des créanciers ou du tribunal.
- Transfert des actifs tangibles et intangibles : la dernière étape consiste en la signature contrat de vente permettant le transferts des actifs de l’entreprise au nouvel acquéreur.
Les avantages pour l’acheteur
Pour un acheteur, acquérir une entreprise en difficulté présente des opportunités et avantages uniques. L’acheteur peut reprendre les actifs de l’entreprise sans ses dettes, celles-ci restant avec l’entité en procédure. Cela permet à l’acheteur d’obtenir une entreprise à un coût potentiellement réduit et de l’intégrer dans sa propre stratégie de croissance.
Lorsqu’une entreprise est en difficulté, les vendeurs sont généralement plus flexibles et ouverts aux négociations. L’acheteur peut ainsi obtenir des conditions d’achat plus favorables, telles que des paiements échelonnés, des réductions supplémentaires ou des arrangements spécifiques qui profitent à leur situation financière.
L’acquisition peut également permettre à l’acheteur d’accéder à une nouvelle base de talents. Les employés de l’entreprise en difficulté peuvent apporter des compétences et des connaissances précieuses qui peuvent renforcer l’équipe existante de l’acheteur.
Les avantages pour les créanciers
Pour les créanciers, la vente des actifs de l’entreprise représente une opportunité cruciale de récupérer tout ou partie des sommes qui leur sont dues. Ce processus est essentiel pour minimiser leurs pertes financières. En obtenant le meilleur prix possible pour les actifs, les créanciers peuvent maximiser leur recouvrement, même si ce n’est qu’une partie de ce qui leur est dû.
Il est généralement plus avantageux pour les créanciers de vendre une entreprise en tant qu’entité opérationnelle plutôt que de la liquider par morceaux. Une entreprise vendue en tant qu’ensemble opérationnel a souvent une valeur supérieure en raison de la continuité des activités, des relations avec les clients, et de la valeur des contrats en cours. En revanche, la liquidation des actifs de manière fragmentée tend à réduire considérablement leur valeur totale, car les éléments vendus séparément peuvent ne pas atteindre des prix aussi élevés.
Les avantages pour le vendeur
Jusqu’ici, nous avons exploré les avantages pour l’acheteur et pour les créanciers, mais qu’en est-il du vendeur? Il est important de préciser que par « vendeur », nous faisons référence aux actionnaires et administrateurs de l’entreprise insolvable.
Pour le vendeur, les principaux avantages sont :
- Réduction des responsabilités financières personnelles : la vente des actifs de l’entreprise permet de minimiser le montant des cautions personnelles ou des endossements des actionnaires et administrateurs. Les montants dégagés de la vente des actifs sont souvent appliqués contre les prêts garantis, généralement cautionnés personnellement et réduisant ainsi les sommes qui pourraient leur être réclamées.
- Maintien de la réputation et des relations : la vente d’une entreprise en difficulté peut permettre de maintenir les emplois des employés, d’assurer la continuité des services aux clients, et de minimiser l’impact négatif sur les fournisseurs. Cela peut préserver la réputation des actionnaires et administrateurs, ainsi que leurs relations professionnelles et personnelles dans la communauté.
- Clôture ordonnée des affaires : vendre les actifs de manière structurée permet une clôture plus ordonnée des affaires de l’entreprise, réduisant ainsi le stress et les complications administratives pour les vendeurs. Cela peut également faciliter la transition vers de nouvelles opportunités professionnelles ou commerciales.
- Possibilité de recouvrer des fonds : bien que ce soit rare, il existe une possibilité que les actionnaires puissent récupérer une partie de leur investissement initial, le tout selon le prix de vente obtenu et le total des sommes dûes aux créanciers.
En conclusion
Pour les entreprises en difficulté, il est crucial de consulter un syndic autorisé en insolvabilité dès les premiers signes de problèmes financiers. Cela offre des options pour sauver l’entreprise ou, si nécessaire, la vendre de manière à protéger les emplois et les relations d’affaires.
Pour les acheteurs, les entreprises en difficulté représentent des opportunités uniques d’expansion. Comprendre les implications légales et stratégiques de ces transactions est essentiel pour réussir dans l’achat ou la vente d’entreprises insolvable au Canada.